lundi 4 mai 2015

Le naufrage du Sleipner

Le vendredi 26 novembre 1999, à 19h08, sur le canal 16 de la radio du Rogaland a été reçu ce message : "Nous avons une urgence ici sur Blokso au nord du phare de Ryvarden" et "Besoin d'aide immédiatement" puis enfin, à la question "Avez-vous des équipements de sauvetage à bord ?" cette réponse "Oui, mais je n'ai pas encore pu descendre vérifier. Les radeaux gonflables sont derrière donc c'est... oui c'est... c'est affreux. Vous devez envoyer un hélicoptère, aussi vite que vous pouvez."

Il n'exagérait pas. C'était épouvantable. On peut supposer que le Sleipner a d'abord touché le plateau sous-marin au sud de l'écueil nommé "Store Bloksen" car deux personnes dans le bateau ont vu la balise très près sur tribord. Il se peut que le capitaine ait tenté de faire marche arrière pour dégager le navire de sur l'écueil où il s'était échoué, car des passagers ont perçu le bruit du moteur et le mouvement du navire. Personne à ce moment là ne se doutait de l'état du navire. Tous les compartiments étanches sans exceptions avaient été déchirés lorsque le catamaran est monté sur le récif. La flottaison avait donc totalement disparu C'est le rocher qui tenait le navire hors de l'eau.


 La structure longitudinale du navire s'est alors cassée et la proue s'est désolidarisée de la partie arrière où se trouvaient les passagers. Le pont principal s'est courbé et fissuré, les écoutilles ont sauté et les murs se sont enfoncés. Le chef mécanicien a parlé des blessures au Sleipner comme faites par un énorme ouvre-boîte, laissant voir la structure métallique dessous.

La lumière est restée allumée pendant huit à dix minutes et ensuite, la génératrice d'urgence à pris le relais, ce qui a permis aux passagers de se munir de gilets de sauvetage, mais le système de sonorisation avait été mis hors d'usage et la communication était difficile. Malgré tout, les témoins n'ont rapporté aucune panique.
A 19h40, soit 32 minutes après l'échouage, le navire s'est coupé en deux et a glissé dans la mer, entraînant les passagers qui se trouvaient sur le pont dans une eau à 10° par gros temps.


le Sleipner était conçu pour accueillir 358 passagers et 8 membres d'équipage, soit un total de 366 personnes, mais ils n'étaient que 85 à bord ce soir là. Il disposait de deux sorties d'évacuation, une à tribord et l'autre à l'arrière à bâbord sur le pont principal. Deux radeaux gonflables étaient positionnés de chaque côté, au dessus de ce pont.
Une brochure donnant les consignes est distribuée aux passagers. Un gilet de sauvetage était placé sous chaque siège passagers et des gilets supplémentaires étaient disponibles près des portes. Ces gilets, de type Artica, avaient été fournis par l'entreprise Canepa et Campi en Italie. Des combinaisons d'immersion étaient prévues pour l'équipage.

Un naufrage est déjà un désastre, mais lorsque les équipements de survie ne sont pas à la hauteur, ça se transforme en catastrophe. Plusieurs personnes n'ont pas réussi à sortir les gilets de sous les sièges. Beaucoup ont cherché en vain une boucle pour l'attacher et ont fait des nœuds de fortune avec ce qui ressemblait plus à des cordes à linge qu'à des sangles. De nombreux passagers ont perdu ces gilets qui leur sont passés au dessus de la tête lorsqu'ils se sont retrouvés dans l'eau. Il est certain que le peu de fiabilité des gilets a été pour beaucoup dans le nombre des victimes.

Les combinaisons d'immersion couvraient tout le corps sauf le visage et incluaient des gants d'où pouvaient sortir seulement deux doigts, ce qui ne permettaient pas d'exécuter les 24 procédures nécessaires au lancement des radeaux. Le seul marin décédé ne l'avait pas. Elle avait été donnée à une femme âgée qui est également morte dans l'accident.

Un seul radeau de survie a été libéré, au moment où le Sleipner a glissé dans la mer. Personne ne sait comment il l'a été car aucun témoin ne se souvient de l'avoir vu ou entendu s'ouvrir. Quatre personnes ont réussi à monter dessus alors qu'il s'était retourné. Les autres radeaux ont été emportés au fond avec le Sleipner, à moitié déclenchés. Les manuels d'utilisations ne correspondaient pas au modèle de radeau fournis avec le navire.

Personne ne croyait que le navire risquait de couler. Les passagers attendaient tranquillement les secours. Lorsque le Sleipner a glissé, chacun a fait comme il a pu et la plupart ont sauté à l'eau. Un seul passager a été retrouvé noyé à l'intérieur, un autre a été entraîné par les fixations du drapeau. Les autres ont été trahis par leur gilet de sauvetage et se sont noyés alors que les secours étaient en vue. Trois des victimes n'ont été retrouvées que plusieurs mois après le naufrage, sur l'initiative privée des familles, les recherches officielles ayant été abandonnées.

Au total, ce sont 16 personnes. 15 passagers et un marin qui ont perdu la vie dans cet accident improbable et pourtant prévisible dont les conséquences ont été un arrêt du second catamaran de la compagnie et la vérification de tous les équipements de sécurité de tous les navires à passagers norvégiens.

A suivre : les causes du naufrage.








dimanche 3 mai 2015

M/S Sleipner

Le M/S Sleipner était un catamaran rapide pour le transport de passagers. D'une longueur de 42 m et de 12,5 m de large, sa vitesse en service était de 35 nœuds et il pouvait transporter jusqu'à 358 passagers sur deux niveaux. Il était muni des dernières technologies en ce qui concerne l'instrumentation de bord et il pouvait naviguer avec la salle des machines sans surveillance.


Après un processus d'appel d'offres avec plusieurs chantier navals c'est Austal Ships Pty, en Australie qui a été retenu pour la construction d'un catamaran rapide pour faire le service de navette au sud de Bergen. C'était la première fois que le chantier travaillait avec la Norvège mais il s'agit de l'un des plus importants chantiers navals de catamarans et depuis sa création en 1988, il avait produit plus de 70 bateaux express allant jusqu'à 100 m de long.

Un contrat a été signé en mars 1998 pour deux navires identiques. Le chantier prenait la responsabilité totale de l'acheminement des navires ainsi que de l'obtention de tous les certificats. M/S Sleipner portait le numéro 83. Le navire a été lancé le 24 février 1999, a été expédié en Norvège le 10 avril et a été réceptionné à Bergen le 6 mai de la même année. C'est le chantier Oma Slipp, à Stord, qui en a achevé les finitions. Le navire a été baptisé le 21 août et mis en service le 25.

La coque du navire était entièrement en aluminium et il disposait de chaque côté de 6 cloisons étanches partageant chaque ponton en 7 compartiments. Certains de ces compartiments renfermaient des équipements, d'autres étaient vides. La propulsion était assurée par des moteurs électriques alimentés par une génératrice diesel principale. Il y avait en outre une génératrice d'urgence. La direction était assurée par un gouvernail classique sur chacune des hélices.

Au cours des essais en mer, des fissures ont été découvertes et les zones concernées ressoudées et renforcées. Dans l'ensemble, les expertises effectuées par Veritas ont montré que le navire satisfaisait aux exigences d'un navire bien conçu et fabriqué rapport à la norme de l'industrie du moment de sa construction.

Le navire était confortable muni d'une bagagerie et d'un kiosque et présentait plusieurs salons, dont une salle de jeux pour les enfants, un espace pour les personnes accompagnées par des animaux et un salon pour les fumeurs situé à l'arrière.

Le 26 novembre 1999, la météo est instable, avec de forts vents de sud-ouest et des vagues de 3 mètres. Le M/S Sleipner part de Haugesund vers Bergen avec 85 personnes à bord dont 9 membres d'équipage. Sa route s'arrêtera une heures et demie plus tard, sur le récif du Store Bloksen où il s'échoue avant de couler 32 minutes plus tard. 16 personnes ont perdu la vie dans cet accident qui est typique de ce qui arrive lorsque les équipements de sécurité ne correspondent pas à ce qu'on en attend.
(à suivre)