vendredi 11 novembre 2016

Wilhelm Gustloff, le naufrage

Pour ce navire, il ne m'a pas été possible de passer sous silence le terrible drame humain qui s'est déroulé dans les eaux de la Baltique. L'aspect technique est passé au second plan.

Nous sommes en janvier 1945 au nord de l'Allemagne dont les villes sont pilonnées par les alliés. Les civils ne savent plus où fuir, ils périssent par milliers déchiquetés et brûlés par les bombes incendiaires lâchées par l'ennemi ou périssent ensevelis dans les abris souterrains. Les survivants partent vers le seul endroit possible, le nord et les rivages de la mer Baltique, car de l'est déferlent les troupes soviétiques avides de se venger de l'invasion nazi.

Ils sont dans le port de Gotenhafen, par dizaines de milliers, en particulier des femmes et des enfants, dans l'espoir d'embarquer sur l'un des navires qui partent vers Kiel, à l'ouest. Le Wilhelm Gustloff est à quai. Il a servi d'hôpital jusqu'à présent et il reste à bord des soldats mutilés et gravement blessés et le personnel soignant, ainsi que des auxiliaires navales féminines. La capacité normale du Wilhelm Gustloff est de 1.880 passagers.

Les journaux étrangers, les seuls à paraître, décrivent les atrocités que les Bolchéviks font subir aux femmes, aux enfants et aux vieillards. Viols, tortures, mutilations, tout est fait pour entretenir la panique des survivants des bombardements de terreur. Pour faire face, l'opération « Hannibal », organisée par les Allemands pour sauver ses civils, va évacuer plus de 2 millions de sinistrés de guerre.

C'est dans ce contexte que 160.000 réfugiés attendent pour embarquer. Ils n'auront pas tous une place.
Seules les femmes avec des enfants peuvent monter à bord. Toute la place disponible est utilisée. Il y a huit personnes par cabine, la piscine, vide, est occupée par 273 jeunes filles auxiliaires navales.

Sur les 22 embarcations de sauvetage d'origine, 10 sont manquantes. Le navire n'a pas navigué depuis 4 années. 18 petits bateaux sont hissés sur les toits, mais c'est une précaution inutile. Lorsque le Wilhelm Gustloff prend la mer, le 31 janvier 1945, il y a plus de 10.000 évacués à bord. La première tâche de l'équipage est de distribuer les gilets de sauvetage, qu'il est demandé de garder sur soi jusqu'à l'arrivée, par précaution.

Le Wilhelm Gustloff aurait du être escorté, mais sur les 4 navires qui devaient l'accompagner, un seul est en état de le faire, le torpilleur Löwe.

Après une heure et demie de route, le Wilhelm Gustloff emprunte un couloir maritime sans mines. Peu après 18 heures, le navire reçoit un message annonçant qu'un convoi de dragueurs se rapproche dans la direction opposée. Pour éviter une collision, les feux de navigation vert et rouge sont allumés malgré les réticences du capitaine Petersen. Sur les ponts, des marins s'activent pour garder les bossoirs de chaloupes hors du givre qui ne cesse de se déposer, il fait -18°.

A l'intérieur du navire, la proximité fait monter la chaleur et beaucoup ont retiré leurs gilets de sauvetages, ignorant les ordres de Petersen. Des femmes enceintes sont prises en charge par les infirmières, l'une d'elle est prête à accoucher.

Pendant ce temps, le capitaine de sous-marin Alexandre Marinesko entre dans le golfe de Danzig sans en informer son commandement. Le S-13 patrouillait plus au large et s'est rapproché. Marinesko est sous le coup d'une future comparution en cour martiale. Coupable d'indiscrétions et fréquemment alcoolisé, il risque la pendaison. Il cherche une opportunité pour éviter cette issue.

A bord du torpilleur d'escorte, l'équipement de détection des sous-marins est gelé. Nul ne se doute du danger. Marinesko, dans son périscope voit l'énorme silhouette du Wilhelm Gustloff. Il sent que sa chance peut tourner.

A la radio, un discours du Fürher se termine. Il est un peu plus de 21 heures et c'est le moment où Marinesko donne l'ordre d'envoyer les 4 torpilles prêtes dans les tubes.

Des torpilles qui portent des noms : Pour la patrie, pour le peuple soviétique, pour Leningrad et pour Staline.

A 21h16, la première torpille frappe les compartiments étanches 2 et 3, ce sont les quartiers des marins. Les portes étanches sont fermées, si des marins ont survécu à l'explosion, ils sont condamnés.

Moins d'une minute plus tard, la seconde torpille frappe le navire entre les compartiments 4 et 5, au niveau de la piscine. L'explosion de la torpille transforme les somptueuses décorations de verre peint en autant de lames tranchantes qui vont lacérer les corps des jeunes filles auxilliaires navales. 370 parmi 373 périront de cette manière atroce.

La troisième torpille va sceller le destin du Wilhelm Gustloff. Elle frappe la salle des machines, arrêtant d'un coup les moteurs et la lumière dans les ponts.

La quatrième s'enraye et doit être désamorcée. C'est celle de Staline.

Les voies d'eau sont énormes, une majorité des compartiments étanches est touchée. Il n'y a aucune chance de sauver le navire. Il faut évacuer. Le capitaine va tenter en vain d'appeler au calme. L'eau entre par les trous béants de la coque et c'est la ruée vers les ponts supérieurs. Il est inutile de rappeler l'ordre « les femmes et les enfants d'abord » Il y a plus de 5.000 enfants sur le navire et seulement un millier d'hommes dont l'équipage, les personnes restantes sont des femmes, soit environ 4.500.
Le navire commence à pencher du côté bâbord. Ces femmes ne parviennent pas à descendre les chaloupes de sauvetages. Les marins qui savaient le faire ont été tués par la première torpille. Elles tentent d'arracher la glace qui paralyse les câbles avec leurs ongles. Les chaloupes se mettent en travers et tombent dans l'eau glacée avec leurs occupants. Ceux qui ont eu des places dans des chaloupes défendent chèrement leurs places. Beaucoup y succomberont au froid.
Le Wilhelm Gustloff s'enfonce rapidement. Il coule en 50 minutes, des milliers de personnes encore prisonnières de ses flancs. Des centaines de personnes sont jetées à l'eau.

Le torpilleur Löwe recueille un peu plus de 400 personnes, un autre torpilleur arrivé en renforts près de 500, les dragueurs qui ont fait demi-tour arrivent à en récupérer quelques dizaines, mais les cargos qui se sont portés au secours après avoir entendu l'appel de détresse ne repêchent que des cadavres pris par le froid dans leur gilet de sauvetage. Les plus petits corps flottent à l'envers, passés à travers les brassières mal ajustées car faites pour des plus grands. Qui aurait pu imaginer que si petits, ils auraient à subir ces épreuves ?

Il y aura 996 survivants. Le dernier est un nourrisson découvert enveloppé dans une couverture au fond d'une chaloupe dans laquelle tous étaient morts de froid.

Une étude britannique menée récemment a établi que 10.614 personnes se trouvaient à bord. Avec ses 9.618 morts ou disparus, la catastrophe maritime du Wilhelm Gustloff est de loin la plus meurtrière de tous les temps.



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